Découvertes majeures sur l’histoire du monument

Les rapports des fouilles archéologiques réalisées en 1972 et 1983

Ces découvertes majeures ont permis une véritable mise à jour de l’histoire du monument

Michel Fixot, professeur émérite d’histoire de l’art et d’archéologie médiévale à l’Université d’Aix-en-Provence a mené deux campagnes de fouilles archéologiques au Prieuré en 1972 et 1983 aux côtés d’Isabelle Barbier, aujourd’hui artiste plasticienne. Leurs remarquables découvertes ont levé le voile sur la genèse du monument, son statut de prieuré dépendant de l’abbaye de Saint-Victor de Marseille ainsi que son évolution au cours des siècles qui suivirent l’abandon de la tutelle de l’abbaye victorine (avec notamment les différentes transformations apportées au monument à l’époque moderne).

Michel Fixot sur le site du CNRS

Encore le prieuré de Saint-Symphorien de Buoux, Provence historique,t.33, 1983, pp.285-330 Michel Fixot historien géographe

Visite de l’abbaye Saint-Victor de Marseille. L’excursion dans le Lubéron (Silvacane, Saint-Symphorien de Buoux, Fort de Buoux) dans Historiens et Géographes, 308, 1986, pp.713-719 et pp.779-785.

L’image d’un prieuré médiéval en Provence : Saint-Symphorien de Buoux dans 7ème journée d’études vaudoises et historiques du Lubéron, Buoux, 1988, pp.27-40.

L’église, le terroir. Monographie du CRA n°1, ed. du CNRS, 1989.

Le groupe épiscopal de Fréjus, Bibliothèque de l’Antiquité tardive, 25, Turnhout, 2012.


Il n’a pas été très facile de publier la fouille de Saint-Symphorien de Buoux juste après la parution de l’ouvrage où se trouvaient rassemblées les conclusions principales de l’étude du monument On y lit la mention laconique qui indique bien la simultanéité et le parallélisme des travaux. C’est ce qui explique le long délai qui s’est écoulé entre l’époque de la fouille 1972-1976) et celle ou ce texte voit le jour.

Il est sûr qu’en apparence, la fouille avait sa finalité propre. Mais comment est-il possible de réduire l’approche du site à celle du sous-sol en évacuant l’étude de l’élévation? Le hasard d’autres travaux aidant, le site de Saint-Symphorien donne l’occasion de rattacher étroitement l’archéologie et l’histoire de l’an . Il s’insère dans un paysage historique et monumental que l’on commence à cerner pour cette période aussi difficile qu’est la fin du haut Moyen Age.

Dans ce contexte, une publication peut se donner trois buts essentiels : c’est d’abord de fournir un dossier graphique et photographique complémentaire de celui qui a été déjà donné. C’est aussi d’expliciter la genèse du site, par la description de la nécropole. A la réflexion, il y a eu récemment en Provence assez peu de publications de fouilles d’église rurale, ou de cimetière médiéval et il y a finalement très peu de sites de nécropole attribuable lato sensu à l’époque carolingienne. C’est pourquoi, là encore, le dossier graphique présenté a été développé. Enfin d’autres interprétations de l’élévation ont été tentées, ou, au moins, des éléments de discussion apportés.

Les motivations qui ont déterminé à reprendre ce dossier un peu vieilli sont de deux ordres: il a semblé que la publication pouvait, d’une part. avoir un intérêt scientifique, contribuer à faire progresser la connaissance d’une période historique et d’un monument attachant, et de l’autre, attirer à nouveau l’attention sur un lieu qui a besoin d’une paix nécessaire, pour l’achèvement de son sauvetage pour la continuation souhaitable de son étude archéologique. Il a semblé en effet que pendant ces dix dernières années, dans l’enjeu dont le monument a été l’objet , à plusieurs reprises, son intérêt et sa survivance, paradoxalement, n’ont peut-être pas toujours été le souci essentiel.

La fouille a établi qu’à l’origine de l’occupation médiévale. avant la construction d’aucun lieu de culte. le site avait déjà fait l’objet d’une utilisation funéraire. La butte sur laquelle s’élèvent encore les deux églises du monasterium médiéval représente justement un lieu intermédiaire. Il s’intercale entre l’abrupt des falaises calcaires qui forment. au-dessus de lui. la bordure méridionale du plateau des Claparédes et l’encaissement sombre de la vallée de l’Ayguebrun. Immédiatement, vers l’Est. le vallon de l’Aurons. échancrant le plateau. est attiré par la profonde dépression du sillon intérieur du Lubéron. Ces tracés naturels ont favorisé le passage d’itinéraires traditionnels 4. L’apaisement momentané de la topographie explique l’utilisation du site.

Plusieurs tombes peuvent être attribuées à une nécropole antérieure au plus ancien lieu de culte chrétien élevé ici. Ce lieu semble bien subsister, avec son plan d’origine. sous la forme de l’église nord. Rien, en effet, ne permet de supposer la présence d’un édifice antérieur au même endroit. Il serait en outre inusité d’avoir affaire à un cas de reconstruction de sanctuaire ailleurs que sur l’emplacement déjà consacré. Il n’y a donc aucun indice autorisant à supposer que les tombes, qu’il convient maintenant de décrire, se trouvaient à proximité d’une église 6, T . 12 (pl. IV). C’est incontestablement une sépulture antérieure à la construction. Le mur occidental du premier lieu de culte est bâti au-dessus d’elle. Sa situation ne permet pas de la considérer comme tombe privilégiée. placée à l’Ouest, près de l’entrée. puisqu’elle est au contraire nettement engagée sous le jambage sud de la porte. C’est une tombe rupestre à fosse anthropomorphe. présentant une cavité céphalique développée dans laquelle le crâne n’a d’ailleurs pas été engagé. La fosse est creusée profondément. de 0,55 m, dans le substrat. La couverture de dalles repose au-dessous du niveau naturel du rocher. sur une sorte de feuillure pratiquée sur le rebord. Ce caractère Ct monumental» est commun à bien des tombes de ce niveau. Cette sépulture était orientée avec une très légère déviation vers le Sud-Est. Elle contenait un squelette d’adulte. T. 10 (pl. III). Cette inhumation est disposée de manière perpendiculaire par rapport à l’orientation normale. La tombe est construite de deux épaisseurs de lauses disposées en bâtière. Elle est longue de 1.20 m. Les lauses formant l’enveloppe intérieure sont plus minces et plus longues que les dalles de l’enveloppe extérieure qui en Sont le calage. Des pierres levées, en double épaisseur, ferment l’extrémité méridionale du coffrage. L’équivalent n’existe pas au nord. La tranchée de fondation du mur de l’église est tout proche. Il s’en est fallu de peu aussi que la fondation d’une pile ne vienne écraser cette inhumation d’enfant. La tête se trouvait au sud. ct les bras, comme dans le cas précédent, avaient été ramenés sur le bassin. Le squelette reposait sur un sol fait de deux dalles posées à plat. L ‘espace préservé, à l’Est, montre que cette sépulture était adjacente à un sol dallé s’arrêtant sur son flanc et selon une bordure régulière. La crête du coffrage émergeait du dallage.

Les deux inhumations appartiennent indiscutablement à une époque: antérieure à celle de la construction de la première église. n y eut d’ailleurs des tombes détruites à cette occasion. Le sondage réalisé devant la porte méridionale de l’église nord a montré, contre le rocher, la présence d’ossements épars. Mais, à ce premier temps correspondent encore deux autres sépultures, au moins, qui sont en rapport avec le même niveau de dallage que celui qui est adjacent à la T . 10. T . 22 (pl. III). Ce très fort coffrage est construit de lauses disposées en bâtière formant une enveloppe double. L’enveloppe extérieure est faite de dalles dont la base est encastrée dans le substrat. L’enveloppe intérieure, très soignée, consiste en quatre lauses dont la base est maintenue par un ca11age de pierres. La dalle de tête, à l’Ouest, est aussi profondément fichée dans le substrat. L’extrémité opposée de la tombe fut écrasée sous la fondation d’un contrefort roman. Le corps avait été convenablement orienté. Le bras droit était replié sur lui-même d’une manière non naturelle suggérant la contrainte d’un linceul, le bras gauche était ramené sur la poitrine. La surface dallée butait contre le flanc sud du coffrage. Elle fut recoupée par des tombes postérieures, appuyées au mur nord de l’église, T. 9 (pl. III). Cette sépulture se trouva ultérieurement comprise à l’intérieur de l’église nord. Elle se présentait sous la forme d’un coffrage fait en grande partie de tuiles, construit à l’intérieur d’une fosse rupestre profonde. Sa couverture reposait aussi sur une feuillure dégagée dans le rocher. Elle était faite de trois tuiles plates, de type antique, réunies normalement par des tuiles-canal. L’une des tegu/ae recouvrait la partie inférieure du corps; une entière, et l’autre brisée. placées bout à bout en protégeaient la partie médiane. Deux autres tegulae verticales formaient le flanc nord du coffrage une autre, dressée en formait l’extrémité orientale. Enfin. deux tuiles plates encore étaient utilisées pour le sol de la combe. Le flanc sud était constitué par le rocher friable entaillé, tandis qu’à l’est, la paroi était faite d’un amoncellement de pierres et de tuiles, résultat du comblement de la tranchée de fondation d’une pile romane. Les bras de l’enfant inhumé étaient encore ramenés sur le haut du bassin Cette tombe était aussi adjacente à la surface dallée dont il a été question. Les pierres formaient bordure le long de la fosse dans laquelle fut construit le coffrage.

Ce petit groupe de quatre tombes conservées était-il isolé? Il paraît déjà probable de le compléter par des sépultures qui, tout en étant à l’intérieur de l’église, ne montrent avec elle qu’une relation très incertaine, en particulier par une liberté d’orientation par rapport à l’axe donné par l’architecture. T. 14 et T. 41 (pl. V). C’est dans la moitié occidentale de l’église nord qu’a été retrouvé ce gros coffrage sans couverture. Bien qu’orientée. sa disposition est tout à fait oblique par rapport à l’axe de la chapelle. Cette discordance paraît être un indice d’antériorité. La faible profondeur du sol au-dessus du substrat ne permet pas de conclusion « stratigraphique » . Le coffrage est très monumental. fait de grosses dalles levées. placées au fond d’une petite fosse. Deux fragments de tuiles plates disposées en oblique de part et d’autre du crâne, donnent la forme d’une cavité céphalique. La partie inférieure du corps fut coupée par des constructions ultérieures Les deux bras repliés sur les épaules donnent l’impression d’une inhumation à l’intérieur d’un linceul . Un corps de nouveau-né était associé à cette sépulture, déposé dans une fosse entaillée dans le rocher. à la tête et au nord de la T. 14. T. 15. Cene inhumation est parallèle à la précédente, au nord. Dépassant les limites du sondage, elle n’a pas été fouil1ée. Son orientation est également discordante par rapport à celle de l’église.